L’ennemi n’a pas disparu de nos ordres politiques. Alors même que la démocratie libérale se croyait sur la voie du triomphe, que la modernité semblait devoir signer la pacification définitive en même temps que la victoire de la tolérance et du pluralisme, il faut bien constater une persistance intrigante : celle d’une figure de l’Autre conçue comme existentiellement menaçante et potentiellement nuisible, à l’intérieur même de la communauté politique. La France et l’Allemagne n’échappent pas à cette persistance, à la fois de l’ordre de la réalité– celle d’une opposition radicale à la démocratie – et du discours censé la prendre en charge. Comment dès lors, l’interpréter avec les outils de la pensée politique ? Une première voie a consisté à ignorer la difficulté ou à la contourner, à la faveur d’une vision naïve du respect des droits et de la délibération. Une seconde voie, plus critique, a consisté à voir dans le discours sur l’ennemi la preuve du caractère anti-démocratique de la démocratie. Il est possible, cependant, de sortir de cette alternative en ne considérant plus le rapport à l’ennemi comme une anomalie mais en en faisant, au contraire, un élément constitutif de l’identité démocratique. Mise à l’épreuve, elle se révèle et s’affirme non pas malgré mais bien à partir de cette altérité radicale qu’implique le rapport d’inimitié.
The enemy has not disappeared from our political systems. Tolerance, pluralism and pacification of relationships should theoretically characterize modern liberal democracies, whose victory was interpreted as “the end of history”. However, there still exists a perception of radical otherness, of an existential threat at the heart of the political community. The debates in the German and the French Parliaments about security, terrorism and extremism since the end of the 1960s support this fact. This doctoral thesis aims to explore this phenomenon with the tools of political theory and suggest the necessity of overcoming the paradox. Far from being a cause for concern, the concept of enmity is essential to understand democratic identity. The challenge of the internal political threat helps reveal and consolidate the very being of democratic politics.