Malgré l’absence de démocratisation, les régimes autoritaires du monde arabe ne restent pas à l’écart d’une harmonisation internationale des règles du jeu. La gouvernance – Ersatzreligion d’un Etat Providence qui aurait failli – est omniprésente dans le discours réformiste. Les régimes autoritaires, s’ils se réforment « par le haut », font néanmoins appel à des acteurs représentant les partis politiques, les associations non gouvernementales, et le secteur privé pour débattre des chantiers de la réforme. La constitution de commissions et de comités est devenue une pratique récurrente pour élargir le champ de la décision. Afin d’illustrer ces nouvelles pratiques de réforme, ce travail étudie les processus de mise sur agenda et de négociation des réformes de l’enseignement supérieur en Egypte et au Maroc. En cours depuis la fin des années 1990 et soutenue par les bailleurs de fonds internationaux comme la Banque Mondiale et l’Union Européenne, la réforme de l’université est considérée comme un chantier-clé pour moderniser l’économie, insérer les pays arabes dans la société globale du savoir mais aussi pour garantir la stabilité politique. À travers une démarche comparative, notre travail souligne les différences dans les stratégies que l’Egypte et le Maroc mettent en œuvre dans l’élaboration des programmes de réforme. En mobilisant les outils fournis par les approches de l’action publique, notamment les concepts de « transfert » et de « traduction » des politiques publiques, nous proposons de voir comment les acteurs nationaux interagissent avec les organismes internationaux, quels enjeux déterminent les choix des différentes parties au-delà du simple paradigme néo-libéral, et enfin, comment ces réformes contribuent à la réactualisation d’une gouvernance autoritaire. En nous appuyant sur les cas égyptien et marocain nous esquissons différents modèles de gestion autoritaire des biens publics. À travers eux, nous souhaitons contribuer à un renouveau de l’analyse de l’action publique des régimes autoritaires et à une appréhension plus souple de la problématique du changement politique, souvent analysée en termes de démocratisation ou de résistance à la démocratisation.
This doctoral thesis examines the impact of international aid agencies on the reform agenda of North African countries. It analyses and compares the paths of higher education reform (1997-2007) in Egypt and Morocco, using analytical instruments pertaining to new approaches in public policy theory. For a long time, both countries appeared relatively immune against reform pressure from outside. Still, the analysis of their reform processes shows that the internationalization of higher education has been high on the agenda in both countries. Moreover, the participatory approach – as promoted by international aid agencies like the World Bank as part of its governance agenda – is practised in pushing through unpopular reform measures: In both countries stakeholders from political parties, non-governmental organizations and the private sector took part in the reform process. The establishment of committees and commissions emerged as an important tool for those authoritarian regimes to widen their scope of participation. It is to be examined how specific instruments, promoted by international organizations and bilateral donors, are integrated into a setting of authoritarian rule. The policy transfer between donors and recipients is relatively smooth as long as it concerns the realm of policies and a rather diffuse way towards internationalization through the implementation of foreign reform instruments in the university sector. Modes of transfer grow more subtle when the realms of power and politics are affected. This book provides an insight into the way authoritarian rulers adapt international reform demands for their own political settings by providing a detailed analysis of reform commissions and committees, their members and their institutional environment. I shall argue that international aid agencies even provide the necessary support for this process of authoritarian consolidation, albeit non-intentionally and rather as an unintended consequence of their engagement. The comparison of Egypt’s and Morocco’s reform processes by means of an analysis of a specific sector (e.g. higher education) serves as a microanalysis to understand how authoritarian regimes work. It also helps to understand the varieties of authoritarian regimes. Morocco was and is able to formulate a more comprehensive reform of its higher education system. The country demonstrates greater flexibility due to its monarchical system and its pluralistic nature. Egypt under Mubarak only applied a piecemeal type of reform, partly due to its rigid form of pluralism in a quasi-one-party system. Still, Morocco’s flexibility should not be confused with a greater openness of its political arena. It is linked to a specific pattern of pluralism that is reproduced through the aforementioned reform processes.